Appel pour le numéro 4 (2026)
« Archéologie des conflits »
sous la direction de Laurent Capdetrey, Yves Desfossés et Anne Lehoërff
Ce numéro a pour ambition de réunir des articles traitant de l’archéologie des conflits, dans une perspective chronologique large allant des périodes les plus anciennes, jusqu’au au XXe siècle. Le recueil entend penser et illustrer un mouvement initié depuis trois décennies qui a vu un développement sans précédent de ce champ de l’archéologie[1]. La multiplication des chantiers a correspondu en effet à une forte demande aussi bien institutionnelle que sociale, tout particulièrement autour des conflits du XXe s. mais c’est en réalité tout le spectre chronologique qui est concerné par un phénomène, qui, par ailleurs, contribue largement au développement des études sur la guerre au sens large. Dans le contexte français, l’implication active de l’archéologie préventive aux côtés de l’archéologie programmée dans ce champ, qu’il s’agisse du domaine terrestre ou maritime, a fortement contribué à l’enrichissement sans précédent des savoirs. Il a donc paru pertinent de proposer un bilan d’étape polyphonique sur ce champ de recherche dont le dynamisme pose de nouvelles questions et définit de nouveaux enjeux scientifiques, mémoriels et même sociétaux. Quelques thématiques peuvent être retenues dans ce cadre, qui n’ont rien d’exhaustives.
Objets et espaces des conflits
Le sujet invite à aborder en premier lieu les enjeux de matérialité sous l’angle de l’identification et de la conservation. L’archéologie des conflits permet en effet la mise au jour de vestiges, de structures bâtimentaires, d’objets du quotidien, d’armes, ou de restes humains qui, parce qu’ils s’inscrivent dans des contextes de violences plus ou moins paroxystiques, impliquent parfois un regard spécifique et placent les archéologues face à une activité humaine singulière. Parce qu’elle vocation à être temporaire, il faut pouvoir identifier la guerre et ses traces. Se posent ainsi l’enjeu méthodologique de la reconnaissance des traces des conflits puis celui, essentiel, de la conservation et de la protection de ces traces.
Culture matérielle de la guerre
Un des apports les plus importants de l’archéologie des conflits tient sans doute à la mise à disposition d’une culture matérielle de la guerre, ce que ne permettent quasiment pas les autres sources. Ce champ qui relève d’une approche technique et pratique mais qui convoque aussi la catégorie des représentations et des discours est aujourd’hui particulièrement dynamique dans les études sur la guerre en ce qu’il contribue à une histoire sociale des violences de guerre.
Temps et temporalité
L’approche temporelle de la guerre est un objet d’étude que l’archéologie des conflits permet aussi de dévoiler en partie. Ce peut être d’abord celui de la préparation et de l’attente, dans les structures de logement, de campement et de protection à l’égard de la menace. Mais c’est aussi celui du combat lui-même dans l’espace et le temps singuliers du champ de bataille. Il est aujourd’hui parfois possible d’identifier, au moins partiellement, la chronologie d’un combat par les traces matérielles qu’il a laissées. Ce peut être enfin le temps du traitement de la bataille et du conflit à travers le sort réservé aux victimes, aux civils, aux prisonniers ou aux espaces par la pétrification éventuelle d’une mémoire des lieux.
Corps en guerre
Les effets de la guerre sur les corps, le traitement des soldats, les violences extrêmes subies et imposées, les pratiques d’enfermements sont autant d’approches désormais essentielles, aussi bien pour les conflits très anciens que pour les plus récents. Cette dimension très concrète, matérielle et physique, de la violence constitue un champ particulièrement dynamique et qui se prête à une approche pluridisciplinaire dans laquelle l’archéologie occupe une place singulière. Très concrètement, et à titre d’exemple, se pose aux archéologues la question du traitement technique et scientifique, mais aussi, éthique et mémoriels, des restes humains.
Archéologie, sociétés, mémoire
Le dynamisme de l’archéologie des conflits impose aujourd’hui de penser l’articulation avec les autres approches de la guerre, fondées sur d’autres sources. Il est en effet temps de s’interroger sur les modalités de ce dialogue, les difficultés épistémologiques qui peuvent demeurer et les perspectives qu’il ouvre. Plus largement, se pose la question de la protection de ces données dans la mesure où elles sont une cible privilégiée des prospecteurs de militaria qui agissent de manière illégale dès lors qu’il y a recherche volontaire de ces témoins (loi de 1989 sur les détecteurs, de 1941 sur l’autorisation de fouille, insertion du « contexte » dans la définition du patrimoine archéologique en 2016). Enfin, on ne peut faire abstraction non plus d’une demande sociale de « dévoilement » des conflits du passé, dans une approche parfois mémorielle, qui oriente en partie les financements et, de fait, les stratégies de recherche. Ce sont là autant de thèmes qui invitent à penser l’archéologie des conflits dans un cadre plus large que ses seules pratiques et méthodes.
Les propositions de contributions (entre 1500 et 2000 caractères espaces compris), accompagnées d’un bref curriculum vitae (1000 caractères espaces compris maximum), sont à adressées avant le 1er mars 2025 par voie électronique à revue-bellica@uqam.ca.
Call for issue 4 (2026)
“The Archaeology of Conflicts”
edited by Laurent Capdetrey, Yves Desfossés and Anne Lehoërff
This issue aims to bring together articles dealing with the archaeology of conflicts in a broad chronological perspective ranging from the earliest periods of time to the 20th century. The goal of the collection is to reflect upon and to trace the development of a trend that began three decades ago in the field of archeology and which has witness unprecedented growth since then.[1] The increase in the number of archaeological sites corresponds to a strong institutional and social demands. This is particularly the case when it comes to the conflicts of the twentieth century, but in fact the entire chronological spectrum is concerned by this new trend. The archaeology of conflicts has also greatly contributed to the development of war studies in the broadest sense of the term. In the French context, the combined involvement of preventive and programmed archaeology in the excavation of conflict sites, whether on land or at sea, has greatly contributed to an unprecedented growth in our knowledge. It therefore seems appropriate to offer a polyphonic progress report on this field of research, whose dynamism raises new questions and defines new scientific, memorial and even societal challenges. We have selected a number of themes, which are by no means exhaustive.
The Objects and Spaces of Conflict
The subject invites us first of all to consider the issues of materiality from the angle of identification and conservation. The archaeology of conflicts allows one to bring to light the remains, the building structures, everyday objects, weapons and human remains which, because they are part of more or less paroxysmal contexts of violence, sometimes require a specific approach, and confront archaeologists with a singular human activity. Because war is meant to be temporary, we need to be able to identify it and detect its traces. This raises the methodological issue of recognizing the traces of conflict, and the essential issue of conserving and protecting these vestiges.
The Material Culture of War
One of the most important contributions of conflict archaeology is undoubtedly the availability of a material culture of war, which is virtually impossible to obtain from other sources. This field, which involves a technical and practical approach but also relies on the fields of representations and discourses, is particularly dynamic in war studies today in that it contributes to a social history of the violence of war.
Time and Temporality
The temporal approach to warfare is a subject of study that conflict archaeology can also unveil in part. It can first of all be the study of the questions of preparation and waiting, the structures of housing, or the encampment and protection with regard to a given threat. But it’s also about the matter of combat itself as it occurred in a specific space and time on the battlefield. Today, it is sometimes possible to identify, at least in part, the chronology of a battle through the material traces it left behind. Lastly, it can also be a question of understanding the time dedicated to the treatment of the battle and the conflict through the fate reserved for victims, civilians, prisoners or spaces and their eventual transformation into a place of memory.
Bodies at War
The effects of war on the body, the treatment of soldiers, the extreme violence endured and imposed, and the practice of confinement are all now essential approaches to both ancient and more recent conflicts. This very concrete, material, and physical dimension of violence is a particularly dynamic field, lending itself to a multi-disciplinary approach in which archaeology plays a singular role. For example, archaeologists are faced with the very real questions of not only dealing with the technical and scientific but also with the ethical and memorial treatment of human remains.
Archaeology, Society and Memory
The dynamism of conflict archaeology today means that we need to think about how it relates to other approaches to war, based on other sources. It’s time to consider the modalities of this dialogue, the epistemological difficulties that may persist, and the perspectives this opens up. More broadly, there is the question of the protection of the data insofar as it is a major target for militaria collectors, who act illegally whenever there is a voluntary search for these witnesses (the 1989 law on detectors, the 1941 law on authorized excavations, the inclusion of “context” in the definition of archaeological heritage in 2016). Lastly, we cannot ignore the social pressures to “unveil” past conflicts in an often ‘memory oriented’ way, which partly guides funding and, indeed, research strategies. These are all themes that ask us to think of conflict archaeology in a broader framework than just its practices and methods.
Proposals for contributions (between 1,500 and 2,000 characters including spaces), together with a brief curriculum vitae (maximum 1,000 characters including spaces), must be sent by March 1, 2025 to revue-bellica@uqam.ca
[1] https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/archeologie/Ressources-documentaires/Programmation-nationale-de-la-recherche-archeologique/programmation-nationale-de-la-recherche-archeologique-2023, axe 13.